mardi 24 février 2015

Jaffna, cité tamoule et combat pour la reconnaissance

(17-21 fevrier)

Jaffna c'est l'extrême nord du Sri Lanka, séparėe de l'Inde seulement par quelques kilomètres.
C'est LA cité tamoul de l'île, et par conséquence le symbole même du conflit sanglant qui aura duré pas loin de 30 ans. La paix est officiellement revenue depuis avril 2009, soit à peine 6 ans.
Jusque là l'accès touristique aux provinces du nord était contrôlé et nécessitait une demande d'autorisation, cette procédure a été supprimée le 18 janvier dernier par le tout nouveau gouvernement.
Beaucoup moins de touristes s'aventurent jusqu'ici, et la plupart des cinghalais / bouddhistes (70 à 75% de la population) avec lesquels j'ai pu échanger à ce sujet disent avoir peur d'aller à Jaffna. On me fait part de craintes face à la communauté tamoul, majoritairement hindouiste : seulement 13 à 15% de la population Sri Lankaise, mais une éthnie importante dans la voisine et toute proche Inde du sud. Ainsi, pour les voyageurs à priori plus de connexion terrestre ni navale avec l'Inde, mais seulement aérienne, je suppose que c'est un moyen de veiller à la paix en contrôlant les migrations des tamouls d'Inde du sud.
Les Tamouls se dissocient entre eux : les Tamouls des plantations de thé (ouvriers argricoles venus d'Inde du sud) et ceux de Jaffna (propriėtaires terriens et nobles), diffėrente rėgion, caste et histoire.
Je n'ai pas échangé avec assez de personnes sur ce sujet sensible pour en avoir une vision représentative. Une chose est sûre : on ressent que les Sri Lankais considèrent la paix comme fragile et qu'ils ne souhaitent plus connaître l'horreur de la guerre.
Je rencontre ici un certain nombre de Sri Lankais qui ont vécu en Australie ou encore au Canada, la guerre ayant probablement permis de faciliter ces migrations.

LES RACINES DU CONFlT

Ceylan accède à l'indėpndance en 1948, un an après l'Inde. Le parti alors au pouvoir ne représente que les intérêts de l'ėlite anglophone et tente de supprimer la citoyenneté aux Tamouls des plantations et de les renvoyer en Inde. En 1956 le clivage se creuse avec un nouveau parti prônant un soutien de l'état au bouddhisme et dėclarant le cingalais seule langue officielle du pays. Ces dėcisions faisaient ėchos aux craintes des Cingalais ayant observé que les Tamouls ėtaient surreprésentés dans les universités et administrations grâce à une bonne maîtrise de l'anglais acquise durant l'ėpoque coloniale britannique. Les populations hindoues et musulmanes parlant le tamoul furent privées de leur droit de vote, et presque 30% de la population n'eut ainsi plus accès à l'administration.
En 1970 une loi favorise l'accès des cinghalais aux universités, réduisant celui des Tamouls. Une nouvelle constitution vient ensuite en faveur du bouddhiste, pour protection et propagation.
L'agitation suscitée mène à un ėtat d'urgence en 1971, et la division s'accentue puisque la police et l'armėe chargées de le faire respecter comptent peu de Tamouls, exclus par la langue officielle.
Au milieu des années 1970 plusieurs groupes de jeunes Tamouls militent pour la création d'un État Tamoul indépendant, Eelam ou Terre précieuse.
La guerre va opposer l'armée Sri Lankaise aux Tigres de la libération de l'Eelam tamoul ou LTTE. 

En 1981 un groupe de Cinghalais met le feu à la bibliothèque de Jaffna, contenant de nombreux ouvrages relatant l'histoire du peuple Tamoul. La situation s'envenime ainsi jusqu'en 1983 lorsque 13 soldats sont tués dans une embuscade orchestrée par les Tigres à Jaffna. Des représailles massives s'ensuivent contre les Tamouls à Colombo : 300 à 4.000 Tamouls tués ou passés à tabac, et leurs maisons pillées. La violence se propagea au reste du pays, les Tamouls se réfugièrent au nord et à l'est du pays, suite à cet ėpisode dénommé le jeudi noir...
Cessez-le-feu en 2002, mais tsunami en 2004 faisant 30.000 morts. Au lieu d'encourager le processus de paix la catastrophe naturelle va gėnèrer de nouvelles tensions liėes à la distribution des aides à la reconstruction et à la propriėtė des terres...

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Il faut 5 heures de bus pour rejoindre Jaffna d'Anudharapura. Ici mes quelques mots de cingalais ne me servent plus à rien, ici on parle Tamoul (mais pas le même qu'en Inde du Sud).
Julien le français rencontré à Kandy me rejoint, avant de partir retrouver sa copine pour un tour en tuk-tuk avec lui aux manettes. Je retrouve aussi par hasard dans la rue, Jaro un tchèque rencontré à Hikkaduwa.

LES RUINES

Lorsque l'on vient visiter Jaffna c'est pour rencontrer les Tamouls, appréhender la différence de culture, et essayer d'imaginer ce qu'a pu être la guerre. Inévitablement le premier réflexe est de chercher les signes visibles des combats passés, ce que l'on trouve aisément.

Ancien Kachcheri, ou centre administratif, en bordure de route.










Maison sur la route reliant mon hôtel au centre de Jaffna.


Le Fort construit en 1680, à l'emplcement d'un ancien fort Portugais.
Il serait le plus beau fort hollandais d'Asie. Il pris une forme d'étoile en 1792, lorsque des triangles défensifs y furent ajouter. Pendant la guerre les forces gouvernementales y avaient ėtabli leur camp. En 1990 le LTTE délogea les troupes après 107 jours d'assaut, détruisant une grande partie de la forteresse qui reste aujourd'hui inaccessible, en cours de reconstruction.
Il est étrange de contourner cette imposante construction (sous quelques regards insistants), ce que je fais à vélo sans trop oser m'aventurer seule dans l'unique brêche trouvée.



L'ARMÉE

La présence militaire est importante, sans être imposante oú dérangeante. Certains lieux de visite sont tenus par l'armée, historiques et / ou touristiques, le Monely Planet parle par exemple d'un stand de glace sur une page.
On retrouve aussi un peu de partout ces barrières barbelés qui rappellent un front de guerre, en ville, en campagne, devant une boutique... On m'explique qu'elles sont utilisés pour le bėtail et pour délimiter la propriété mais je n'ai vu cela nul part dans le sud. On me précise aussi que ces barrières ont coûté la vie à de nombreuses personnes lors du tsunami.


LA MODERNITÉ

On découvre ensuite une ville en plein boom oú les choses semblent aller très vite. Les guides touristiques édition 2015 recommandent tous d'aller voir les ruines de la gare... qui s'avère être toute neuve et en activité.


La bibliothèque reconstruite, celle dont l'incendie criminel avait ouvert le conflit.


On trouve ėgalement un centre commercial avec escalator et instructice à temps complet pour familiariser les nouveaux utilisateurs. Au dernier étage un cinėma, et trois films à l'affiche. On expérimente le film tamoul : 3h30, le temps de raconter les 5 vies du personnage principal, entracte, public expressif, son au maximum. Très bon moment. On comprend que seuls les plus fortunés peuvent s'offrir ce plaisir à 400 roupies la scéance, beaucoup se prennent d'ailleurs en photo à l'entrée.






UNE VILLE COMME UNE AUTRE

Pour le reste, les repères restent les mêmes, avec bien évidemment le marché, mais ici de forte influence indienne notamment au niveau des textiles.


Les vendeurs de bétel.



Julien expérimenté le barbier. Un de travail de précision, la concentration va crescendo et le regard rieur devient regard de tueur, mais il n'y aura pas une goutte de sang.







Et voilà le travail.


Jour des épreuves de conduite, deux roues, trois roues, voiture, bus. Hommes et femmes attendent leur tour et repartent avec un petit papier jaune. Il y a du monde.



LIEUX DE CULTE

A Jaffna beaucoup de temples hindous et une profusion d'églises même si les chrétiens ne représentent que 12% de la population.







Temple hindou Nallur Kandaswamy Kovil, le plus imposant ėdifice religieux de la ville et l'un des temples hindous les plus importants du Sri Lanka. Les hommes doivent être torse nu. Beaucoup de monde et de mouvement allant de divinités en divinités. Photo interdites à l'intérieur.







Cathėdrale Sainte Mary. Par hasard ma visite tombe à l'heure de la messe, le monde arrive de tous côtés. Une femme avec bindi (troisième oeil mystique) est agenouillée devant un Christ allongé dans une vitrine... Toutes les religions s'influencent les une les autres en bonne harmonie.










Le pape était très attendu pour sa réçente visite.





EXCURSION AU NORD

Logistique compliquėe pour nous rendre à la source de Keerimalai.
On trouve d'abord Naguleswaram Shiva Kovil et Maviddapuram Kanthaswamy, temple en cours de reconstruction suite aux bombardements de 1990.





Offrandes de pastilles de camphre pour Ganesh.


Vestiges de guerre à proximité du temple.




La vie reprend ses droits devant les ruines.


Plage, temple et surveillance militaire.



Animation à proximité des sources. Portraits tamouls.



Le bain des hommes, derrière le mur celui des femmes. Les eaux sont vensėes faciliter la guėrrison.


Immersion en sarong, recto, verso.



Un groupe d'ado arrivent avec deux pistolets... en plastique, ce qui nous interpelle en cette zone sous surveillance militaire.

Ruines de Kantarodai, dagoba vieilles de 2000 ans.


Arrêt de bus, attente au moment de la sortie des classes. Regards curieux, amusés, intimidés, les filles restent en retrait.


Retour en mini bus ultra bondé.

Je ne m'éternise pas à Jaffna. Circulant en bus je ne peux pas témoigner des zones femées, ou pas...
Je prends la direction de la côte est.

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