vendredi 3 avril 2015

Angeles, semaine sainte... âmes sensibles s'abstenir

(1-3 avril)

Lorsque l'on fait des recherches sur les Philippines on tombe vite sur une liste de fêtes et festivals à ne manquer sous aucun prétexte. A la veille de la semaine sainte la pays s'agite et les transports sont saturés. Au nord de Manille se trouve San Fernando connue pour sa traditionnelle célébration de la semaine sainte, les rues de la ville sont alors arpentėes de fidèles cagoulés se soumettant à des auto-flagellations sanguinolentes. Le clou du spectacle : les crucifixions du vendredi saint...
Présenté sous cet angle on est moyennement tenté, très loin de l'image que l'on se fait des Philippines. 
Après avoir approché les bouddhistes au Sri Lanka, je suis curieuse des catholiques Philippins qui représentent 86% de la population, les Philippines sont ainsi le seul pays catholique d'Asie. L'ampleur de l'ėvénement au niveau national m'incite donc à aller voir ces étranges pratiques de plus près.


De mauvaises informations recueillies auprès de l'accueil de mon hostel de Manille me dissuadent d'abord d'y aller, puis je rencontre Thomas un polonais venant d'arriver aux Philippines pour 8 mois pour plus ou moins rédiger une sorte de guide touristique. Il prévoit de se rendre à San Fernando pour couvrir l'événement. Il a des contacts sur place et un pass mėdia à retirer. Il me propose de l'accompagner, j'accepte et modifie donc mes plans. Je sacrifie mon billet de bus et les cinq heures passées pour l'obtenir, pour quitter l'enfer de Manille au plus tôt.

Notre hébergement est à 
Angeles, à côté de San Fernando, d'où je ne vais finalement pas sortir puisque des célébrations du même genre ont lieu ici, à plus petite échelle. L'expérience "Siete palabras" peut commencer, nom officiel en référence aux sept dernières paroles du Christ sur la croix.



Les contrastes sont ici surprenants, car toute cette animation et dévotion religieuse se dėroule dans un haut lieu de la prostitution où l'on croise également des transsexuels, tout naturellement, à tous les coins de rue. Je ne vais pas m'aventurer dans les quartiers nord mais on me racontera, et en quittant la ville j'apercevrai les maisons closes et leurs pancartes affichant les portraits des filles.


PREMIER APERÇU

Jeudi, on m'annonce que les auto-flagellations commencent et que des dévots arpentent déjà les rues, j'entends parler également de visites d'église en église, la ville en comptant sept. Je m'aventure donc hors de le rue Jesus où se situe mon hotel... un nom de circonstance pour la thématique !

Première rencontre, un homme masqué traînant une croix à laquelle il est attaché.



... suivi d'hommes au dos ensanglanté, munis d'un fouet fait de corde et de bambou.
Les tatouages sont aussi intéressants à observer, le Christ, la vierge Marie...





Tout ce monde dėfile d'église en église. 
Je les suis en me joignant à la petite procession, à priori composée de la famille et des amis, enfants compris.



Avant de repartir, du renfort vient verser de l'eau sur les fouets, généralement un enfant, créant ainsi une flaque de sang au sol. Les fouets envoient alors du sang sur l'assemblée la plus proche.
Le but de la manipulation est d'humidifier le dos et les plaies lorsque le sang à sècher.









Les tricycles sont au rendez-vous, peu importe l'obstruction des petits passages, la pollution, le bruit... on y rentre presque toute la famille.
Ici le lapin Playboy semble aussi présent que Bob Marley au Sri Lanka, même sur le t-shirt des enfants.



DEAD END
... ou le point de départ des processions. C'est au niveau de ce poteau que je trouve un guide improvisé qui va me guider à vélo jusqu'à l'étrange endroit.


En suivant la flèche, on croise en chemin des fouets de différentes tailles, à vendre.



Mais aussi des hommes décontractés semblant prêts à dėbuter leur procession.



D'autres porteurs de croix.



D'autres mutilés, certains particulièrement ensanglantés.



Plus on avance, plus il y a de monde. On m'explique que les troupes de mutilés sont des groupes d'amis.



De ce côtė de la ville beaucoup de files d'auto-flagellation.



A la source une sorte de terrain vague.
On y trouve des hommes en pleine auto-flagellation mais non sanguinolente.



D'autres viennent se faire ouvrir le dos à coup de lame de rasoir, sous les yeux des enfants et autres curieux.



Ils sont alors prêts à commencer leur procession.



Certains semblent avoir terminé, et être de retour après une bonne douche, le dos rouge et tailladé, pour observer le dėpart des suivants.






Un peu plus loin la file devient vite importante.


Pas d'obligation de se soumette à cette tradition, ces hommes le feraient uniquement par foi, certains chaque année, essentiellement pour protèger ou améliorer la santé d'une personne de la famille.


LA VIE AUTOUR DE DEAD END

C'est ici que tout commence, à la lame de rasoir. La foule de curieux se retrouve pour assister au rituel, ou simplement pour passer un moment en famille ou entre amis. On pique-nique, on joue... Une ambiance de fête foraine avec de nombreuses petites échoppes, et des campements de fortune. A proximité un match de basket et des déchets un peu partout.



Parc à bébé au milieu de tout cela.


Petit fouet pour jeu d'imitation par les enfants.


Partie de cartes et allaitement.


Détente familiale sur tricycle.


Produits festifs : snacks, ballons, poissons...


... ou poussins peints à la bombe.


Campements de fortune au milieu des dėchets.


Enfants des campements.




IMAGES DE FIN DE JOURNÉE

Les murs de la ville, les véhicules, les vêtements et parfois la peau des gens... sont mouchetés de sang humain.

Mon guide cycliste qui regarde les processions, notamment une femme (oú un trans ?) portant sa croix.



Un élégant journaliste à la chemise blanche, qui accepte une photo. Il est Philippin mais d'une autre île.
On sympathise et je vais le croiser de nouveau le lendemain... avec une chemise noire.


Un enfant.



LES COULISSES

Thomas part à San Fernando, je reste à Angeles, le jeudi soir il revient accompagné du metteur en scène des représentations du lendemain. 23 ans et professeur d'anglais, il raconte ne pas avoir réussi à regarder en entier le film de Mel Gibson "La passion du Christ"... le scénario est pourtant le même. Thomas a pu assister aux répétitions, Jésus qui fait ajuster sa couronne... Il y aura donc 11 crucifixions à San Fernando, et 3 à Angeles. Le Christ de San Fernando en serait à sa 17 ème crucifixion, et celui d'Angeles serait payé.
Le vendredi matin, jour J, je retrouve dans la rue un couple d'espagnols logé dans le même hostel que moi, la veille ils ont sympathisé avec un policier, avant une longue soirée festive terminée à 3h avec alcool et trans locaux noyės dans la masse. Je me fais inviter avec eux au bureau de police par la personne avec laquelle ils pensaient avoir sympathiser car elle porte le même nom de famille que Ruth... Au final il va essayer de nous vendre des pass média que l'on obtiendra gratuitement par la suite sans même en faire la demande, son prix exhorbitant : 20€. Il ne perd pas espoir et essaye de se rabattre sur la vente de t-shirts.



On sympathise malgré tout avec l'équipe d'organisation.




LE VENDREDI SAINT

C'est parti pour un remake de la passion du Christ.
La rue Pampang est très animée, les croix installées, la police et l'armée veillent à filtrer les entrėes vers celles-ci.



Vraie ambiance de fête foraine, très joyeuse, sur fond de chants religieux a proximite des croix.



Enfants et ado accourent de tous côtés pour être pris en photo, Victor l'espagnol se joint à eux.





En attendant le début de la représentation, les romains sont là pour faire peur aux enfants qui en redemandent, déambulation puis énervement soudain avec hurlements et lancement de bouclier.







L'armée et la police sont là pour contenir la foule en attendant que les acteurs arrivent sur la petite scène montée sur le terrain de basket. Le pass mėdia nous permet de rester à l'intėrieur de la zone de représentation.



Puis le spectacle commence, en mode playback.



On amène Jésus.





Puis tout ce monde prend le chemin de dead end et des croix en malmenant bien Jėsus, grosse excitation, les hommes de l'armée se tiennent par la main pour contenir la foule.



Un des deux autres futurs crucifiés.



La foule derriere les grillages, et l'emplacement privilégié des journalistes dotés de pass mėdia.



Arrivée des futurs crucifiés.





D'abord accrochés sur les croix.


.


Puis vient la crucifixion, je crois d'abord à des faux clous ventousés, mais à priori non tout cela est bien réel.













Un seul des crucifiės repartira sur ses jambes, les mains rouges, de vrai sang ?
Thomas me racontera qu'à San Fernando les crucifixions sont réelles mais qu'on utilise du faux sang car les plaies ne saignent pas suffisamment pour le spectacle.



Jésus part en brancard.



Salutation finale des acteurs.




LA VIE NORMALE peut reprendre son cours à Angeles.











Les pattes de poulets... mais aussi le cou, les intestins, du boudin. Ici tout est bon dans le cochon et le poulet. La gastronomie est rude, rien de végétarien, royaume de la friture et du féculent, du porc craquant sous la dent.



Jolibee la chaîne de fast-food incontournable, plus qu'omniprésente dans le pays, on en trouve plusieurs par ville, ouverts 24/24 et 7/7, toujours bondé, le poulet panė frit a du succès.
Mc Donalds est bien sur aussi de la partie et KFC. On est aussi au royaume du donut avec Dunking Donuts et une autre chaine locale.
L'influence americaine est bien là.  


Le typhon Maysak de catėgorie 5 étant annoncé au nord du pays, je renonce à aller dėcouvrir les rizières de Banaue, anciennes de 2000 ans, site Unesco, dites 8ème merveille du monde.
Je mets le cap au sud avec Ruth et Victor direction le volcan Taal. Mes amis espagnols voyagent depuis 17 mois, sur 23 pays ils reconnaissent que les Philippines sont le plus compliqué niveau transport. Bref comme moi ils galèrent.
Ils ont quitté l'Espagne quand la crise a eu raison de l'entreprise de Victor, Ruth a alors quitté son poste elle aussi, ils espèrent trouver du travail en Australie pour mettre de l'argent de côté pour voyager encore et peut-être plus tard revenir en Espagne. Ils ont 39 et 37 ans, difficile à croire.
En tout cas tous les espagnols et italiens que je rencontre me racontent la même histoire, dans leur pays beaucoup travaillent juste pour manger et ce n'est pas la vie dont ils rêvent.


2 commentaires:

  1. Ouais... bah j'imagine qu'il y en a Un qui se retournerait dans sa tombe s'il était toujours dedans.

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  2. 😉 Je crois qu'il y a des dérives dans toutes les religions car même les bouddhistes vont jusqu'à suspendre leur corps à des crochets, genre gros hameçon...

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